❝ Qu'est-ce qu'un sourire, sinon une façade ? ❞ • Les longs cheveux de Natalia, dont la nuance varie selon la lumière, lui arrivent au milieu du dos en légères boucles blondes, parfois lissées. Ses yeux en amande au regard si profond sont bleu-gris et son nez arrondi. Elle sourit toujours, de manière absolument adorable. Elle est fine, ses formes ne sont pas très prononcées et elle est plutôt petite. L'un des premiers mots qui vient à l'esprit lorsqu'on croise son regard est très certainement « belle ». Elle inspire la confiance, semble d'une douceur inégalable.
Mais ses bras restent couverts. Même sous le plus grand soleil, elle continue à cacher ses bras. Elle n'imagine même pas réussir à cesser un jour. Car elle se sent mieux, tellement mieux, grâce à ce qu'elle dissimule.

❝ Combien de cicatrices peut-on cacher ? ❞ • Natalia paraît être quelqu'un de très sympathique. Elle a une mémoire assez incroyable, lui permettant de retenir les noms d'à peu près toutes les personnes qu'elle voit. Elle excelle dans beaucoup de choses, sauf la géographie, le demi-fond et le volley. Elle est très ouverte et déteste laisser des gens seuls. Passionnée par la peinture et la littérature, elle est plutôt pointilleuse sur ces deux sujets, mais laisse passer des énormités à propos de nombre d'autres choses ; tout le monde ne peut pas savoir tout sur tout, elle en est consciente et respecte cela du mieux qu'elle peut.
Parce que respecter les autres, c'est ce qu'elle tient le plus à faire. Respecter leurs goûts, leurs opinions et leurs pensées. Elle a trop peur de blesser les autres pour oser trop de choses. Elle restera toujours légèrement en retrait, certes souriante et adorée, mais jamais trop proche des gens. Elle espère réussir à se libérer de cette incapacité à tisser de réels liens un jour, sans pour autant s'y donner à fond ; sa vie actuelle la satisfait.
Elle déteste se sentir inférieure, ou même l'égale des autres. Elle aime penser qu'elle est la meilleure, que personne n'a son niveau, qu'elle réussira tout. Mais malheureusement, elle était loin d'être autant la meilleure que ce qu'elle souhaitait. Certes, son statut de surdouée lui permettait quelques avancées sur les gens normaux, mais elle n'était pas devant d'autres surdoués. Et puis, elle se sentait seule, horriblement seule. Elle se sentait trop seule pour pouvoir être supérieure. Les amis sont une richesse, et même si de nombreuses personnes l'entouraient, elle n'était pas sûre de s'il s'agissait d'amis ou de gens souhaitant se montrer en public avec quelqu'un de populaire, se servir d'elle comme d'un faire-valoir. Elle aurait tellement souhaité pouvoir les différencier sans erreur et faire partir ceux qu'elle ne voulait pas.
Mais elle avait peur de se retrouver complètement seule. Un ami factrice vaut mieux que la solitude, a-t-elle toujours pensé.
Et puis, il y a l'autre. Avant, elle était son amie, une épaule sur laquelle pleurer. Mais maintenant, elle n'est plus qu'une bête qui ne souhaite que ressentir la détresse autour d'elle. Une autre fille, parfaitement elle mais pourtant une étrangère. Elles se comprenaient depuis toujours, mais Natalia la détestait, maintenant. Elle n'en pouvait plus, de cette autre elle qui souhaitait tant tout détruire. Détruire toute la vie qu'elle se construisait, petit à petit.
Elle n'avait jamais réussi à la pardonner. Elle était trop déçue de la ruine qu'était devenue sa vie pour en être capable. Elle la détestait, d'une haine si pure et profonde, alimentée par ses cicatrices trop fraîches. Mais elle réussit à sauver la façade, au moins.
Car une façade, c'est tout ce qu'elle est. Ces sourires et cette gentillesse réservée n'étaient qu'artifices pour cacher des plaies à vif.
Avant, peut-être était-elle plus ouverte. Avant ? Elle n'était qu'une fille perdue, qui écoutait trop les conseils que sa meilleure amie lui donnait. Une meilleure amie ? Juste une folle qui voulait sa destruction pure. Elle ne l'avait jamais aimée. La personne sur laquelle Natalia s'était reposée pendant toute sa vie n'était qu'une psychopathe.
Mais pour se réconforter, elle dessine.
Elle dessine sans cesse depuis deux ans. Dizaines de carnets couverts de personnages et de paysages. Et ses bras, eux, n'étaient qu'une toile parfaite pour l'abstrait. Oh, qu'elle aimait ce mélange de rouge et de beige ! Y avait-il quelque chose au monde de plus parfait que ce rouge sang, s'écoulant goutte à goutte ?
Ses goûts sont assez étranges, de plus. D'un côté, elle prétend détester la modernité – aucun des livres de sa bibliothèque bien remplie n'a moins de quarante ans et refuse de toucher à un seul jeu vidéo -, d'un autre côté, elle excelle en informatique et serait capable de faire à peu près n'importe quoi avec un P.C., et surtout des bonnes choses.
Elle est assez sportive, malgré la haine qu'elle éprouve envers quelques sports – le demi-fond et le volley, essentiellement. Elle fait de la gym depuis qu'elle a cinq ans et, malgré sa petite taille, se débrouille plutôt bien au basket.
Elle tente de jouer du violoncelle, en autodidacte, lors de son temps libre, mais son manque de réussite est assez flagrant et plutôt vexant. Elle pense arrêter ou, au contraire, prendre des cours pendant son séjour en Géorgie.

❝ Le passé laisse toujours des traces... ❞ • Natalia est née en Russie, pays qu'elle ne quitta que pour rejoindre la Géorgie, il y a seize ans, lors d'un mois de février, dans une famille assez aisée. Sa vie ne fut pas l'étalage de sourires et de sympathie qu'elle est depuis quelques mois, malheureusement.
Avec pour seule rivalité fraternelle un petit frère de cinq ans son cadet, accessoirement un gamin à l'absence de maturité déconcertante, elle était loin de subir l'absence d'affection de ses parents. Elle n'était pas carrément gâtée, mais choyée, oui.
Lors de sa petite enfance, elle tentait d'être normale. Le genre de fille parfaitement conventionnelle que tout le monde est et que personne ne peut haïr. Mais très vite, ce petit jeu se mit à lui déplaire. Elle n'était pas capable d'être comme tout le monde. Elle était différente et elle haïssait cela, mais se plonger dans des classiques dès l'âge de sept ans lui fit oublier à quel point elle détestait ce monde et surtout, à quelle point elle se détestait elle-même.
À l'âge de neuf ans, elle commença à lui parler. Elle n'avait jamais su qui elle était, mais sa voix était rassurante. Elle ne pouvait résister à une fille qui lui promettait d'être son amie, sa meilleure amie pour la vie, même si elle lui conseillait de ruiner toute son existence. Et puis, elle ne savait pas réellement ce qu'elle faisait.
Ce fut lorsqu'elle se retrouva avec du sang sur les mains pour la première fois qu'elle prit conscience de l'anormalité de la chose. L'autre voulait de la violence. Des morts. Et même si Natalia ne voulait pas être seule, elle avait compris que cette fille était folle. Mais le constater ne l'aida pas tant que ça. Plutôt que de lui proposer gentiment des choses, elle la forçait. Obligée de faire des horreurs, forcée par quelqu'un dont elle ne connaissait même pas l'identité.
Mais elle réussit finalement à se défaire d'elle. Son propre sang était tout ce qui arrivait à contenir l'autre. Peut-être avait-elle disparu, finalement ? Mais le bien-être que lui procurait la scarification était trop réel pour qu'elle arrive à s'en défaire.
Ses parents n'ont jamais rien su. Ils l'ont vue revenir en larmes, bien des fois, mais jamais elle ne leur a avoué ce qu'elle traversait réellement, justifiant ses pleurs par des problèmes avec certains de ses camarades de classe.
Et puis, des rumeurs avaient commencé à circuler sur elle, prétendant qu'elle était folle à lier. Plusieurs fois, ses parents envisagèrent de déménager, mais les attaches qu'ils avaient déjà les retenaient, et Natalia ne se plaignait pas. Mais, une fois ses quatorze ans atteints, elle décida de leur demander de l'envoyer dans un établissement pour surdoués, peut-être éventuellement à l'étranger ; elle parlait après tout parfaitement cinq langues – russe, anglais, français, mandarin et allemand – ; elle n'aurait pas de difficultés à suivre des cours dans une autre langue. Ils acceptèrent et commencèrent par tester une école en Allemagne, où elle ne se sentait pas vraiment à l'aise, malgré toutes ses bonnes relations. Elle se sentait trop proche de son passé, à vrai-dire, et avait peur qu'il la rattrape si elle ne s'éloignait pas suffisamment. Elle débarqua finalement, après plusieurs mois de débats avec ses parents, dans un lycée privé des Etats-Unis...