Ezechiel est un homme grand. Accentué par des gestes grandiloquents, par son allure nonchalante, par son aisance presque théâtral, Ezechiel impressionne au premier regard. Ses origines galloises se portent sur son visage. Blanc comme un cachet d’aspirine, ses yeux sont d’un bleu très clair. Parfois gris. Sa barbe naissante et les expressions folles que peuvent prendre son visage achèvent de lui coller sur le front l’étiquette du marginal.

Ezechiel possède l’aisance financière d’un psychiatre. Cependant, ses jeans troués, ses baskets usés et ses tee-shirts délavés lui donnent d’avantage l’allure du philosophe misanthrope.  

En dépit de ses gesticulations absurdes et du sourire mesquin accroché à son visage, Ezechiel est mué par des manières soignées et sensuelles. Longtemps fut-il la victime de la cruauté de ses camarades concernant ses mimiques effeminées.

Aujourd’hui, il assume pleinement de paraitre ce qu’il parait : Un excentrique délirant doublé d’un intellect de génie. Plus qu’assumé, Ezechiel en fait une véritable fierté.

De ceux qui connaissent réellement le docteur vous diront que ce n’est guère une personne à fréquenter. Immature, irresponsable, égoïste, égocentrique,… A ses propres amis, Ezechiel n’inspire jamais rien de bons. Ses amis… Ezechiel n’a pas d’amis. Des personnes sympathiques avec qui il aime trainer dans les bars, tout au plus. Autrement, c’est un mauvais confident, un faux-jeton, une crapule, pour ceux qui oseront lui faire confiance. Fait de peu de vertus, Ezechiel aurait tout fait par amour du danger et le plaisir des jeux sensuels.
Se dessine alors une vermine, un homme de bas-étage. Un demi-homme. Peut-être moins.

Mais son intelligence l’élève vers des sphères qu’il ne mérite pas. Ezechiel a la réplique facile. Ses paroles cachent toujours l’injure qui fait mal. Ses rires insultent aux larmes. Par un talent d’orateur rare, Ezechiel se défend parfaitement dans une joute. Ezechiel a l’habitude de récolter la violence physique par sa violence verbale.

Outre sa capacité à s’attirer dans des passages à tabac où il en est le principal convive, Ezechiel est un psychiatre d’excellence. Amusant, agréable, au rire facile et l’humour qui accroche, ses jeunes patients ont cette gentille propension à l’apprécier. Les séances ont tendance à bien se passer et Ezechiel est un passionné.

Une question demeure : Si le docteur est capable de se faire aimer, pourquoi l’homme n’en fait-il pas autant ? Sans doute par paresse ou par jeu. Son arrogance frôle le comique. Ezechiel se pense et se sait doué. Et pense-t-il ne pas avoir besoin de véritable ami pour vivre. Des accroches-cœurs. Du poids mort inutile. Pour entrer dans son cercle privé, faut-il autant de patience que d’amour. Car il en faut des caisses pour aimer un salopard pareil.

Expatrié de son Pays de Galles natal, Ezechiel ne passa quelques années de son enfance vers les berges calmes de Saint David’s. Adopté à la naissance, il n’entreprendra jamais les démarches pour retrouver ses parents biologiques. Certains émirent l’hypothèque que ses premiers troubles viendraient de sa maternité trouble.

Ezechiel était un enfant mutique. Il resta longtemps dans les jupes de sa mère et pleurera toutes les larmes de son corps, à son premier jour d’école. Il ne se trouva aucun ami et s’exila dans une solitude dramatique.

A 12 ans, il est suivi par un pédopsychiatre. Des troublets surviendront au cours de la première année de suivis et il sera nécessaire de lui faire passer des tests psychologiques. Ces derniers déclareront que l’enfant est surdoué. On mit en place un dispositif pour cultiver cette brillance rare mais rien ne fut installé pour l’intégrer en société. Ezechiel développa un esprit génial mais passera des années collégiennes terribles. Il commença à fuir l’école, l’autorité et tout ce qui en semblait être affilié. Lorsqu’il tenta de se donner la mort en avalant tout un flacon de somnifère, son psychiatre ordonna qu’on le retire du collège. Il passa un an enfermé chez lui, bourré aux antidépresseurs, puis plus tard à divers calmants et somnifères dont il gardera définitivement la dépendance. Ses cours furent pris par correspondance et Ezechiel ne vit plus un être humain durant cette période. L’année suivante, on l’envoya dans un centre spécialisé. Dans le jargon, on appelle ça une clinique psychiatrique. Ezechiel n’était pas con.

Si les premiers mois furent difficiles, le garçon noua de très forts liens avec les cas les plus retords de l’asile. On considéra que c’était un bon chemin vers la guérison de sa misanthropie. Il passa un an supplémentaire à l’asile et fut réintégrer à mi-temps à la société. Il entra ainsi au lycée.

Influencé par ses camarades de l’asile, il développa un goût certain pour la provocation et pour la démence. Il fit d’elle sa marque de fabrique et son style. Il se fit ami des êtres les plus mesquins de son lycée et parallèlement, des plus brillants. Il connut ses premiers cigarettes, puis ses premiers joints, ses premières cuites, ses premiers amours, ses premiers baisés, ses premières fois.

Calmé et intégré à la société, Ezechiel rentra chez ses parents à sa dernière année lycéenne. Puis repartit l’année suivante pour la faculté de psycho. C’est en fréquentant les étudiants qu’il apprit à devenir autonome. Mais également irresponsable. Son hygiène de vie en devint déplorable mais personne ne fut là pour redresser la barre, cette fois. Aucun parent, aucun psy, aucun ami. Il commença à s’intéresser de très près à la psychiatrie et décida d’en faire une spécialité.

A la fin de ses années d’études et après sa thèse, il reçut son diplôme et commença à opérer dans une clinique.

Il y consulta quelques années. Profita de son temps libre pour écrire également. Il fit des conférences et fut si bien apprécié de ses collègues qu’il fut invité régulièrement à offrir des masterclass dans des universités. Cette mouvance lui plaisant bien et à l’aise avec la jeunesse américaine, il décida de passer un diplôme d’enseignant. Ainsi devint-il professeur dans une université de lettre.

Après quelques années d’enseignement, de l’eau coula sous les ponts. Il faillit se marier deux fois et eut un enfant indésiré d’une femme qu’il ne revit plus jamais. Elle avait décidé d’élever l’enfant seule. Ezechiel ne s’y opposa point.

Lassé de l’enseignement et de la recherche, Ezechiel décida de reprendre son poste de psychiatre. Cependant, pratiquer dans les hôpitaux lui avait laissé un goût amer sous la langue. L’ami d’un ami d’un ami de l’étudiant à... Avait des informations sur une école qui cherchait des psychiatres. De fil en aiguille, Ezechiel apprit que l’école acceptait en son sein des cas d’enfants surdoués et possédant quelques troubles psychiatriques. Touché par la cause et excité par le danger, Ezechiel postula pour un poste. Peu de temps après, on l’appela pour un entretiens d’embauche.